Counseling Autobiographique on line

Counseling  Autobiographique on line

A l'écoute des écrivains

Supplique d'un enfant à ses enseignants

 

Apprenez-nous l'enthousiasme,

Enseignez-nous l'étonnement de découvrir

N'apportez pas seulement vos réponses,

Réveillez nos questions,

Accueillez surtout nos interrogations,

Appelez-nous à respecter la vie.

Apprenez-nous à échanger, à partager, à dialoguer,

Enseignez-nous les possibles de la mise en commun,

N'apportez pas seulement votre savoir,

Réveillez notre faim d'être,

Accueillez nos contractions et nos tâtonnements,

Appelez-nous à agrandir la vie.

Apprenez-nous le meilleur de nous-mêmes,

Enseignez-nous à regarder, à explorer, à toucher l'indicible,

N'apportez pas seulement votre savoir-faire,

Réveillez en nous le goût de l'engagement,

Accueillez notre créativité pour baliser un devoir,

Appelez-nous à enrichir la vie.

Apprenez-nous la rencontre avec le monde,

Enseignez-nous la rencontre avec le monde,

Enseignez-nous à entendre au-delà des apparences,

N'apportez pas seulement de la cohérence et des bribes de vérité,

Eveillez en nous la quête de sens,

Accueillez nos errances et nos maladresses,

Appelez-nous à entrer dans une vie plus ardente,

Il y a urgence vitale.

 

Jacques SALOME

Votre counselor vous rappelle qu'un éducateur, c’est celui qui appelle à agrandir la vie, à devenir de plus en plus soi-même.

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La housse partie

 

 

 

(Fabliau Seconde moitié du XIIIe siècle)

Je vais aujourd'hui vous conter l'histoire d'un riche bourgeois d'Abbeville. Cet homme avait des terres, et beaucoup de biens. Mais il advint que tout le pays fut ravagé par la guerre. Par crainte des ennemis, il quitta sa ville avec sa femme et son jeune fils, et vint à Paris.
Cet homme d'honneur était sage et courtois, la dame fort enjouée, et le jeune homme n'était ni sot ni malappris. Aussi les voisins furent-ils très heureux de les accueillir. On les tenait en grande estime. Le bourgeois faisait commerce, achetant et revendant les denrées si habilement, qu'il accrut beaucoup son bien.
Il vécut ainsi fort heureux, jusqu'au jour où il perdit sa compagne. Le jeune garçon, qui était leur seul enfant, en fut très attristé. Il parlait sans cesse de sa mère. Il pleurait, il se pâmait. Si bien que son père chercha à le réconforter.
- Beau doux fils, lui dit-il, ta mère est morte ; prions Dieu qu'il prenne son âme en pitié !
Mais sèche tes yeux, mon enfant, car de pleurer ne sert à rien. Te voilà bientôt chevalier, et d'âge à prendre femme. Nous sommes ici en terre étrangère, loin de nos parents et de nos amis. Si je venais à disparaître, tu te trouverais bien seul, dans cette grande ville.
Aussi voudrais-je te voir marié. Il te faut une femme bien née, qui ait oncles, tantes, frères et cousins, tous gens de bon aloi. Certes, si j'y voyais ton bonheur, je n'y ménagerais guère mes deniers.
Or, devant la maison du prud'homme habitait une demoiselle hautement apparentée. Son père était un chevalier fort expert au maniement des armes, mais qui avait mis en gage tous ses biens et se trouvait ruiné par l'usure.
La fille était gracieuse, de bonne mine, et le prud'homme la demanda à son père.
Le chevalier, de prime abord, s'enquit de sa fortune et de son avoir. Très volontiers, il lui répondit :
- J'ai, tant en marchandises qu'en deniers, mille et cinq cents livres vaillants. J'en donnerai la moitié à mon fils.
- Hé ! beau sire, dit le chevalier, si vous deveniez templier, ou moine blanc, vous laisseriez tout votre bien au Temple ou à l'abbaye. Nous ne pouvons nous accorder ainsi ! Non, sire, non, par ma foi !
- Et comment l'entendez-vous donc ?
- Il est juste, messire, que tout ce que vous possédez, vous le donniez à votre fils. À cette seule condition, le mariage sera fait.
Le prud'homme réfléchit un temps.
- Seigneur, j'accomplirai votre volonté, dit-il.
Puis il se dépouilla de tout ce qu'il avait au monde, ne gardant pas même de quoi se nourrir une journée, si son fils venait à lui manquer.
Alors le chevalier donna sa fille au beau jeune homme.
Le prud'homme vint demeurer chez son fils et sa bru. Ils eurent bientôt un jeune garçon, aussi sage que beau, plein d'affection pour son aïeul ainsi que pour ses parents.
Douze années passèrent. Le prud'homme devenait si vieux qu'il lui fallait un bâton pour se soutenir. Comme il était à la charge de ses enfants, on le lui faisait cruellement sentir. La dame, qui était fière et orgueilleuse, le dédaignait fort. Elle le prit si bien à contrecoeur qu'enfin elle ne cessait de répéter à son mari :
- Sire, je vous prie, pour l'amour de moi, donnez congé à votre père. En vérité, je ne veux plus manger, tant que je le saurai ici.
Le mari était faible et craignait beaucoup sa femme. Il en fît donc bientôt à sa volonté.
- Père, père, dit-il, allez-vous-en. Nous n'avons que faire de vous : allez vous punir ailleurs ! Voilà plus de douze ans que vous mangez de notre pain. Maintenant, allez donc vous loger où bon vous semblera !
Son père l'entend, et pleure amèrement. Il maudit le jour qui l'a vu naître.
- Ah ! beau fils, que me dis-tu ? Pour Dieu, ne me laisse point à ta porte. Il ne me faut guère de place. Pas même de feu, de courtepointe, ni de tapis. Mais ne me jette pas hors du logis : fais-moi mettre sous cet appentis quelques bottes de paille. Il me reste si peu de temps à vivre !
- Beau père, à quoi bon tant parler ? Partez et faites vite, car ma femme deviendrait folle !
- Beau fils, où veux-tu que j'aille ? Je n'ai pas un sou vaillant.
- Vous irez de par la ville. Elle est, Dieu merci, assez grande, vous trouverez bien quelque ami, qui vous prêtera son logis.
- Un ami, mon fils ! Mais que puis-je attendre des étrangers, quand mon propre enfant m'a chassé ?
- Père, croyez-moi, je n'y peux rien, ici je n'en fais pas toujours à ma volonté.
Le vieillard a le coeur meurtri. Tout chancelant, il se lève et va vers le seuil.
- Fils, dit-il, je te recommande à Dieu. Puisque tu veux que je m'en aille, de grâce, donne-moi quelque couverture, car je ne puis souffrir le froid.
L'autre, tout en maugréant, appelle son enfant.
- Que voulez-vous, sire ? dit le, petit.
- Beau fils, va dans l'écurie, tu y prendras la couverture qui est sur mon cheval noir, et l'apporteras à ton grand-père.
L'enfant cherche la couverture, prend la plus grande et la lus neuve, la lie en deux par le milieu, et la partage avec son couteau. Puis il apporte la moitié.
- Enfant, lui dit l'aïeul, tu agis laidement. Ton père me l'avait donnée toute.
- Va, dit le père, Dieu te châtiera. Donne-la tout entière.
- Je ne le ferai point, dit l'enfant. De quoi plus tard seriez-vous payé ? Je vous en garde la moitié, car vous-même de moi n'obtiendrez pas davantage. J'en userai avec vous exactement comme vous l'avez fait avec lui. De même qu'il vous a donné tous ses biens, je veux aussi les avoir à mon tour. Si vous le laissez mourir misérable, ainsi ferai-je de vous, si je vis.
Le père hoche la tête en soupirant. Il médite, il rentre en lui-même.
- Sire, dit-il, rebroussez chemin. Il faut que le diable m'ait poussé, car j'allais commettre un péché mortel. Grâce à Dieu, je me repens. Je vous fais à tout jamais seigneur et maître en mon hôtel. Si ma femme ne peut le souffrir, ailleurs je vous ferai bien servir. Vous aurez toutes vos aises, courtepointe et doux oreiller.
" Par saint Martin, je vous le dis, je ne boirai de vin ni ne mangerai de bon morceau, que vous n'en ayez de meilleur. Vous aurez une chambre privée, et à bon feu de cheminée. Vous aurez une robe telle que la mienne. À vous je dois fortune et bonheur, beau doux père, et je ne suis riche que de vos biens.
" Seigneurs, la leçon est bonne, croyez-m'en. Tel qui jadis s'est dépouillé pour son enfant subit trop souvent le sort de ce bourgeois.

 A bon entendeur salut !

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Oser ne pas penser comme les autres

0000 Eugène Ionesco 0000

 

"Ne pas penser comme les autres vous met dans une situation bien désagréable.

Ne pas penser comme les autres, cela veut dire simplement que l'on pense.

Les autres, qui croient penser, adoptent, en fait, sans réfléchir, les slogans qui circulent, ou bien, ils sont la proie de passions dévorantes qu'ils se refusent d'analyser.

Pourquoi refusent-ils, ces autres, de démonter les systèmes de clichés, les cristallisations de clichés qui constituent leur philosophie toute faite, comme des vêtements de confection ?

En premier lieu, évidemment, parce que les idées reçues servent leurs intérêts ou leurs impulsions, parce que cela donne bonne conscience et justifie leurs agissements.

Nous savons tous que l'on peut commettre les crimes les plus abominables au nom d'une cause  "noble et généreuse".

Il y  a aussi les cas de ceux, nombreux, qui n'ont pas le courage de ne pas avoir "des idées comme tout le monde, ou des réactions communes".

Cela est d'autant plus ennuyeux que c'est, presque toujours, le solitaire qui  a raison.

C'est une poignée de quelques hommes, méconnus, isolés au départ, qui change la face du monde.

La minorité devient la majorité, lorsque les "quelques-uns" sont devenus les plus nombreux et les plus écoutés.

 

Depuis toujours, j'ai l'habitude de penser contre les autres.

Lycéen, puis étudiant, je polémiquais avec mes professeurs et mes camarades.

J'essayais de critiquer, je refusais "les grandes pensées" que l'on voulait me fourrer dans la tête ou l'estomac, il y a à cela, sans doute, des raisons psychologiques dont je suis conscient.

De toute manière, je suis heureux d'être comme je suis.

Ainsi donc, je suis vraiment un solitaire parce que je n'accepte pas d'avoir les idées des autres.

 

Mais qui sont "les autres" ?

Suis-je seul ?

Est-ce qu'il y a des solitaires ?

 En fait, les autres ce sont les gens de votre milieu.

Ce milieu peut même constituer une minorité qui est, pour vous, tout le monde.

Si vous vivez dans cette "minorité, cette "minorité" exerce, sur celui qui ne pense pas comme elle, un dramatique terrorisme intellectuel et sentimental, une oppression à peu près insoutenable.

Il m'est arrivé, quelque fois, par fatigue, par angoisse, de désirer et d'essayer de "penser" comme les autres.

Finalement, mon tempérament m'a empêché de céder à ce genre de tentation.

J'aurais été brisé, finalement, si je ne m'étais pas aperçu que, en réalité, je n'étais pas seul. Il me suffisait de changer de milieu, voire de pays, pour y trouver des frères, des solitaires qui sentaient et réagissaient comme moi.

Souvent, rompant avec le "tout le monde" de mon milieu restreint, j'ai rencontré de très nombreux "solitaires " appartenant à ce qu'on appelle à juste raison, la majorité silencieuse.

Il est très difficile de savoir où se trouve la minorité, où se trouve la majorité, difficile également de savoir si on est en avant ou en arrière.

Combien de personnes, de classes sociales les plus différentes, ne se sont-elles reconnues en moi ?

 Nous ne sommes donc pas seuls.

Je dis cela pour encourager les solitaires, c'est-à-dire ceux qui se sentent égarés dans leur milieu.

Mais alors, si les solitaires sont nombreux, s'il y  a peut-être même une majorité de solitaires, cette majorité a-t-elle toujours raison ?

Cette pensée me donne le vertige. Je reste tout de même convaincu que l'on a raison de s'opposer à son milieu."

 

Eugène Ionesco

 

Oser ne pas penser comme les autres

(Antidotes, Gallimard, 1977)
 

La minorité devient la majorité, lorsque les "quelques-uns" sont devenus les plus nombreux et les plus écoutés. (E.Jonesco)


Ça donne du courage le fait de savoir qu'on n'est pas seul, mais de faire partie d'une majorité qui regroupe la minorité.

Etre dans une minorité ne signifie pas être mineurs, inférieurs aux autres, mais seulement différents.

La différence exprime l'originalité de la personne, la distance entre l'un et l'autre, mais une distance individuelle, pas une distance humaine.

 La différence nous permet de construire le "NOUS", c’est-à-dire d'élargir notre identité, de créer une identité où l'on s'enrichit réciproquement.

Ce n'est pas facile,bien sûr,vivre dans la minorité solitaire,mais lorqu'on s'aperçoit qu'il suffit d'ouvrir les yeux pour découvrir que d'autres appartiennent à notre même "race",c'est-à-dire,qu'il y a d'autres qui vivent comme nous la dimension de la liberté intérieure et qui donnent libre élan à leur pensée,alors,on comprend que la solitude ,ce n'est pas une solitude morne,inactive et inutile,mais vivante,active et très utile.

Penser sans entraves mais dans la liberté nous rend notre dimension de personne, toute notre dignité.

(Votre Counselor)